Alexis Roptin, un pragmatisme à toute épreuve

En se lançant dans l’élevage de moutons et de canards gras, en périphérie nantaise, Alexis Roptin tâche de transformer les obstacles en opportunités.

« Le canard est gourmand, assure Alexis Roptin. Au pic du rationnement, il absorbe 380 g d’ali­ments par repas. » Le jeune agriculteur de Loire- Atlantique élève des canards mulards prêts à gaver, destinés à produire du foie gras. Sa mis­sion ? Engraisser au préalable les palmipèdes pour que leur jabot gagne en volume et en élasti­cité. «La coopérative fournit leur alimentation, précise Alexis. Au bout de 11 semaines, ils sont dispatchés chez une dizaine de gaveurs. »

Installé en novembre 2015 à Casson, au Nord de Nantes, Alexis Roptin se préparait à être techni­co-commercial. Après des études de comptabi­lité, il s’inscrit en BTS Acse et rencontre son futur cédant pendant un stage. « Au fur et à mesure du BTS, je connaissais de mieux en mieux l’exploita­tion et son potentiel. J’ai réfléchi à comment je pourrais la modifier à ma sauce. Petit à petit, j’ai décidé de m’installer. » Il reprend l’exploitation sans la partie laitière, « à cause de la contrainte horaire ». En revanche, il poursuit l’atelier de ca­nards gras, qu’il doit mettre aux normes à la suite des épisodes de grippe aviaire de 2015. « Aupara­vant, les canards étaient sous tunnel, puis en plein air intégral, raconte Alexis. J’ai dû construire deux bâtiments pour pouvoir faire du confinement. » Il est ensuite contraint d’abandonner le système en doubles bandes, qui permet d’avoir des animaux en permanence sur le site : « On est passé en système bande unique avec vide sanitaire obligatoire de 14 jours. »

Influenza aviaire et règles de biosécurité. La grippe aviaire est comme une épée de Damoclès. Elle a conduit les éleveurs à se plier à des règles de biosécurité lourdes, comme le confinement pendant l’hiver pour éviter tout contact avec les oiseaux migrateurs. Autres obligations : des pro­tocoles de désinfection pour accéder à l’éle­vage et des contrôles vétérinaires au départ de chaque lot. Depuis février 2016, les producteurs doivent aussi protéger la litière neuve de toute contamination. « Il faut que la paille soit stockée dans un lieu hermétique, résume Alexis. Ça veut dire qu’il faut que je refasse un hangar. » Il espère bâtir son nouvel entrepôt à toiture photovoltaïque d’ici l’hiver prochain. Seul bémol, le coût du projet : 150 000 €, qui s’ajoutent aux 500 000 € investis dans la reprise d’ex­ploitation. « Ça ne fait que deux ans et demi que je suis installé, donc la charge d’emprunts est encore assez élevée. » Le jeune agriculteur a également créé un atelier ovin. Il a choisi la race Île-de-France, réputée pour sa viande. « La bête me plaît, j’avais suivi le pro­gramme de reconquête ovine. (…) Et puis, dans l’agglomération nantaise, il y a un intérêt pour cette production, alors qu’il y a peu d’éleveurs. » Alexis a mis deux ans à monter son troupeau, le temps de « constituer une pyramide des âges et d’organiser [son] système de vente directe ». Le jeune éleveur est allé chercher ses bêtes dans l’Allier, un département où « elles sont habituées à être dehors ». Sauf que les hivers du climat océanique nantais sont beaucoup plus humides… « Ça amène des problèmes respiratoires, (…) ce qui fait que cette année, j’ai plus de 75 % de mortalité sur mes agneaux. C’est une année noire, lance-t-il d’un ton presque léger. Ça ne sert à rien de se morfondre. L’année prochaine, je vais vacciner et faire du préventif plutôt que du curatif. »

Améliorer la prolificité et l’engraissement. « Nous avons un gros problème de prédation humaine », ajoute Alexis. Un sujet tabou, bien que les vols de brebis et d’agneaux soient monnaie courante. « Dans un rayon de 25 km, je connais quatre éleveurs qui ont porté plainte pour vol en 2017. » Convaincu d’être aussi visé un jour, il touche (littéralement) du bois. « Mon ancien patron s’est fait voler 43 bêtes en une année, dont 35 en une seule nuit. Ce sont des filières organisées. » Le risque est là et les éleveurs sont désemparés. « Certains ont pris des patous, mais [les voleurs] les neutralisent avec des ultrasons. Les caméras n’empêchent pas les vols. Et même avec les images, [les autorités] ne peuvent rien faire derrière. »

Malgré ces aléas, le jeune agriculteur continue à aller de l’avant. « Je veux améliorer la prolificité des brebis et l’engraissement des agneaux. » Pour cela, il compte sur la génétique et le parfait dosage d’aliments produits sur sa ferme : blé, maïs et féverole, en plus du foin et des pâtures. « Il faut juste arriver à trouver le bon équilibre et le bon mode d’emploi pour que ça fonctionne. »


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