Témoignage

Aurélien Soubeyrand et son père François produisent des cerises et des châtaignes d’Ardèche AOP. Ils sécurisent leur production de cerises grâce des filets anti-pluie et anti-grêle.

« Je travaille avec des vieux papis ! » Sous la blague pointe le respect quand Aurélien Soubeyrand évoque ses châtaigniers. Les vénérables arbres – 2 à 300 ans au compteur- en ont vu d’autres. « Mon père a acheté cette châtaigneraie de 8 ha le jour de ses 20 ans», raconte le jeune arboriculteur installé à Désaignes, dans le Haut-Vivarais. Un véritable patrimoine, au même titre que l’exploitation, « depuis 100 ans dans la famille ». En 1981, François, le père d’Aurélien, s’installe sur cet élevage bovin, assorti d’un ha de pommiers. Lors d’un stage dans la Drôme, il découvre la production de cerises tardives. En 1991, il réoriente complètement l’exploitation grâce à la prime de cessation de l’activité laitière, puis développe le verger en plantant progressivement 15 ha de cerisiers.

Salarié de la ferme familiale depuis 2007, Aurélien s’installe en 2014. « Cela m’a pris énormément de temps pour trouver des terres», souffle t-il. Il peut enfin apporter sa pierre à l’édifice. Il se diversifie dans la fraise de printemps et plante des cerisiers sur 3,5 ha occupés depuis 40 ans par des douglas. Un travail de titan dans ces montagnes ardéchoises. En parallèle, Aurélien et son père installent des filets anti-pluie et anti- grêle. « Les produits disponibles en France protègent contre l’un ou l’autre, mais pas les deux en même temps. » Les Soubeyrand père et fils sont allés voir sur place, en Allemagne, berceau de la marque Voen. « Ils récoltaient sous la pluie ! », se souvient encore le jeune arboriculteur, convaincu par cet outil innovant. De retour en France, ils couvrent 3 ha de cerisiers. Un investissement conséquent : 50 000 €/ha tout compris. « Nous avons amorti la moitié de l’investissement la première année. En 2014, alors qu’il a plu 200 mm en juillet, nous avons fait autant de chiffre d’affaires avec 3 ha couverts qu’avec 14 ha non couverts. Et avec deux fois moins de personnel.»

90 saisonniers pendant la récolte. Récolte manuelle oblige, la cerise demande énormément de main-d’œuvre : « Pendant les quatre semaines de cueillette, nous employons 90 personnes.» Les 21 ha de cerises représentent 98 % du chiffre d’affaires de l’exploitation. Les pommes, les fraises et une partie des châtaignes sont commercialisées directement sur l’exploitation. Les cerises, elles, sont vendues au Comptoir rhodanien, un expéditeur privé. « Depuis deux ans, 85 % de notre production part chez Lidl à des prix très convenables, précise Aurélien. En 2016, le prix moyen a été entre 2,3 et 2,6 €/kg. »

Mais tous les arboriculteurs savent qu’un seul ravageur peut anéantir toute une récolte. Cette année, c’est Drosophila suzukii, un moucheron asiatique, qui a donné des sueurs froides aux producteurs de cerises. Or, Stéphane Le Foll a décidé d’interdire le diméthoate, moyen de lutte le moins onéreux contre ce ravageur. Tout en bloquant les importations de cerises traitées au diméthoate. « Il faut saluer cette mesure, reconnaît Aurélien. Mais l’interdiction du diméthoate a multiplié nos frais phytos par trois ! Et nous ne pouvons pas répercuter cette hausse sur notre prix de vente. »

Aller vers un produit plus sain. De leur côté, les châtaigniers font aussi face à un nouvelle menace : le cynips, arrivé en France en 2012. « En 2014, nous avons été parmi les premiers touchés dans le secteur, se souvient Aurélien. Nous avons perdu 90 % de notre production ! » Les arboriculteurs ont réagi en réalisant des lâchers de Torymus, un insecte prédateur du cynips. La production des châtaignes d’Ardèche (sous AOP) est très extensive. Le cahier des charges est draconien : pas de variétés hybrides, plantations à basse densité, pas de fertilisation minérale, etc. Cet arbre rustique prend place « à la limite des cultures, soit chez nous à 700 m d’altitude, précise le jeune arboriculteur. Rien d’autre ne peut pousser à sa place. »

Chaque année, Aurélien et son père ramassent entre 6 et 9 t/ha de châtaignes. « Une production très aléatoire : on ne peut pas connaître la récolte tant qu’elle n’est pas tombée. »

Heureusement, les castanéiculteurs observent « une recrudescence de la demande ». À tel point que la chambre d’agriculture d’Ardèche veut relancer cette production en plantant 2 000 ha d’ici 2022. Malgré ces perspectives, Aurélien ne compte pas agrandir sa châtaigneraie dans les prochaines années. Ses efforts se porteront sur la cerise. Pour préparer la retraite de ses parents, il veut réduire la surface du verger et sécuriser la production par des filets. « Au lieu de 150 t/an, je compte produire 120 t, mais avec moins de personnel, un plus gros calibre et donc une meilleure valorisation. » Dernier atout à jouer : installer des filets insect-proof pour pouvoir proposer des cerises produites sans insecticides. Bref, « aller vers un produit plus sain. »