Une installation éclair en endives de pleine terre

Sans reprise de terres ni gros investissements,  Mathieu Willemetz s’est installé dans le Pas-de-Calais. Avec beaucoup de projets et d’ambition.

Dans la pénombre du bâtiment, Mathieu Willemetz ôte la bâche, puis les tôles qui recouvrent ses cultures. Des jeunes pousses aux feuilles blanches bordées de jaune s’alignent par centaines, à la manière d’un champ de fleurs en boutons. « Le plus grand fléau de l’endive, c’est la lumière, explique Mathieu en vérifiant que les radicules ont bien pris dans la terre. Une demi-heure en pleine lumière et elle verdit tout de suite. » Basé à Mouriez (Pas-de-Calais), le jeune homme de 22 ans « force » l’endive depuis son installation en août 2017. Autrement dit, il plante des racines d’endives – préalablement produites au champ – dans une couche de terre maintenue à 19-20°C. « J’achète les racines à mon père et elles partent au frigo à 0°C pendant 15 jours minimum », explique Mathieu. Puis, avec l’aide de ses salariés, il dispose les racines dans des caissettes qu’il dis-pose en couches de 10 m de long par 2,30 m de large. « On place deux à trois couches par semaine et on épluche deux à trois couches par semaine », indique le jeune agriculteur. Contrairement à d’autres endiviers qui produisent dehors malgré le vent, le froid et la pluie, Mathieu préfère mener sa culture sous bâtiment. « Le travail est assez physique. (…) Une caissette pèse 60 à 80 kg et il en faut 77 pour faire une couche. »

Valoriser « la salade de l’hiver ». Mathieu s’est installé en endives de pleine terre, car il n’avait pas la possibilité de reprendre des terres. « Le bâtiment appartient à mon père », précise-t-il. Il a suivi le conseil d’un oncle maraîcher « qui m’a dit de faire de l’endive, car c’est une production qui marche bien. » Un choix qui s’est pour l’instant avéré gagnant. L’hiver dernier, malgré une récolte tardive et un problème de pourriture sur une variété, il a produit 20 t d’endives. « Je vends l’essentiel à une coopérative qui me garantit le prix avant le démarrage de la culture. » Il en a tiré 1,60 €/kg.

« Pas mal », selon lui. Cette année, le prix est monté à 1,90 €/kg. « C’est exceptionnel, assure Mathieu. Tant mieux, car ça ne durera pas l’an prochain. » Il espère produire 10 t de plus que l’an passé. Et pour valoriser au mieux sa production jusqu’en avril, il a lancé la récolte début novembre. « Mieux vaut démarrer tôt, car, au printemps, les salades arrivent sur le marché. »

Quatre mois pour s’installer. Après un bac pro CGEA, puis un BTS Acse obtenu en 2016, Mathieu est « allé voir ailleurs pendant un an. » Un intermède qui lui a permis de préciser son projet d’installation. « J’ai fait une saison de pommes de terre et j’étais beaucoup chez mon père pour l’aider avec ses vaches. » En mars 2017, il apprend à forcer l’endive lors d’un stage de 15 jours à Saint-Omer. En avril, il commence le dispositif à l’installation. Quatre mois plus tard, il est officiellement endivier. « C’était un peu la course ,» reconnaît Mathieu qui a dû faire du forcing pour effectuer son stage de 21 h avant la saison de l’endive. « J’aurai dû prendre plus de temps pour m’installer : au moins  8 à 10 mois, voire un an. »

Car durant l’été, il a mené de front de gros travaux avec l’aide de quelques copains : « J’ai décaissé 50 cm de terre battue sur 500 m2, soit la moitié du bâtiment [de culture] », dit le jeune agriculteur. « Puis j’ai mis le chauffage au sol : 50 m de tuyaux dans chacune des 11 couches. Ensuite, j’ai tout rebouché avec de la bonne terre. » Réaliser lui-même ce gros œuvre (qu’il comptait au départ sous-traiter) lui a permis d’économiser suffisamment pour parer aux dépenses imprévues : un deuxième tapis de conditionnement pour évacuer les épluchures et la mise aux normes électriques. « Mon Plan d’entreprise (PE) prévoyait 70000 € d’investissements », précise Mathieu.

Un an à peine après son installation, il s’est associé à neuf agriculteurs du secteur pour ouvrir un magasin de producteurs. Inauguré en décembre à Saint-Martin-lez-Tatinghem, le commerce emploie un boucher et une caissière. « On est sept en permanence au magasin, dit Mathieu. J’y suis trois demi-journées par semaine. » Il fournit le point de vente en endives et légumes divers : choux, carottes, oignons, échalotes et betteraves rouges qu’il cultive sur 2 ha de terres appartenant à son père. « Je vais aussi faire des fraises pour les vendre au magasin », ajoute le jeune exploitant, qui louera 6 600 m2 de serres au printemps prochain. Mathieu vit à 100 à l’heure et confie ne dormir que 3 ou 4 heures par nuit. « Avec la préparation des commandes, c’est une autre organisation à trouver, explique-t-il. Dans dix ans, j’espère que ce sera “cool Raoul”. » ◆


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