Aurélien et ses brunes anti-crise

La stratégie d’Aurélien Lebeau, éleveur de brunes ? Sécuriser ses débouchés et aller chercher de la valeur ajoutée, en céréales comme en lait.

« Quand je me suis installé en 2013, le lait manquait, on nous parlait d’or blanc ! Nous avions le projet de monter une grosse unité laitière avec un robot de traite, de construire un nouveau bâtiment neuf, d’augmenter notre production de 400 000 litres. » Mais pendant son parcours à l’installation, Aurélien Lebeau a revu son ambition à la baisse.

À Aubigny, aux portes de la Roche-sur-Yon, le Gaec les Mimosas ne manque pourtant pas d’atouts. 220 ha en un seul bloc, de bonnes terres, aux deux tiers drainées, un climat doux (l’océan est à 20 km à vol d’oiseau), un troupeau à la génétique éprouvée, etc. Qu’importe : plutôt que le développement tous azimuts, la famille Lebeau a choisi la sécurité.

« Avec le recul, nous avons peut-être fait le bon choix. Depuis mon installation en 2013, je n’ai jamais connu une bonne année ! »

Au moment de rejoindre ses parents, Aurélien n’a donc repris « que » 200 000 litres. Ce qui porte tout de même la production familiale  à 600 000 litres avec 70 vaches laitières. Mais pas n’importe quelles vaches : des brunes.

« C’est une des races les plus demandées depuis la crise laitière, constate l’éleveur de 27 ans. Impossible d’en trouver en France, nous avons dû aller en chercher en Allemagne pour mon installation ! » Riche en matière grasse et en protéines, leur lait est mieux payé aux éleveurs. Au Gaec les Mimosas, cette plus-value a atteint « en moyenne 50 €/1 000 litres en 2016 », avec une pointe à 80 € en décembre. Et c’est loin d’être la seule qualité de cette race (lire ci-contre). « Les brunes valorisent très bien les pâturages, poursuit Aurélien. Pour nous, c’est important de sortir nos vaches. » Quand le temps le permet, en général de mars à octobre, le troupeau pâture. Les vaches reçoivent tout de même une ration en été, car « dès mai-juin, il n’y a plus d’herbe » dans les 40 ha de prairies du Gaec.

Esprit coopératif. « Quand je me suis installé en 2013, le lait manquait, on nous parlait d’or blanc ! Nous avions le projet de monter une grosse unité laitière avec un robot de traite, de construire un nouveau bâtiment neuf, d’augmenter notre production de 400 000 litres. » Mais pendant son parcours à l’installation, Aurélien Lebeau a revu son ambition à la baisse.

Le but d’Aurélien et de ses parents ? « Chercher à être le plus autonomes possible » en multipliant les cultures fourragères. Le pois fourrager (5 ha) apporte « des protéines et un peu d’énergie ». Entre les blés et les maïs, une trentaine d’hectares de trèfle et raygrass sont cultivés en dérobé, puis ensilés ou enrubannés.

Sans oublier les 2,5 ha de betterave fourragère, une culture « qui se répand beaucoup dans le département ». Cela fait quatre ans que les vaches en reçoivent à leur retour en bâtiment en octobre. Les éleveurs incorporent dans la mélangeuse cet aliment très appétent, et qui apporte de l’énergie. Bénéfique pour la santé et l’état corporel, cette friandise pour bovins booste la richesse du lait en matières grasses.

Mais les brunes ont un point faible : leurs veaux. « Dans le temps, il se disait que ce sont de mauvais buveurs, d’où une mauvaise cote comme veaux de boucherie», déplore Aurélien. La parade ? L’engraissement. En janvier 2017, les associés ont signé un contrat pour 25 veaux avec McKey, le principal fournisseur de steaks hachés de McDonald’s. Ils seront valorisés comme taurillons (18 mois environ et 330 kg minimum). L’intérêt ? Un contrat annuel, un apport de trésorerie régulier et un prix fixé à l’avance, « supérieur de 50 à 60 ct/kg au marché».

Pour le jeune éleveur, également SGA de JA 85, contractualiser permet de sécuriser les débouchés. Une stratégie également appliquée aux céréales, qui dégagent la moitié du chiffre d’affaires de l’exploitation. Dans cette démarche, ce jeune « à l’esprit coopératif » s’appuie sur sa coop’ céréalière, la Cavac. Le Gaec produit en moyenne 600 t de blé par an, 250 sont sécurisées par divers moyens. Première sécurité : la filière Agri-Éthique, lancée par la Cavac, qui concerne 100 t. Des contrats entre amont et aval (du producteur au boulanger) fixent un prix plancher pour trois ans. Aujourd’hui de 175 €/t, il n’empêche pas les producteurs de profiter d’éventuelles hausses des cours.

Blé biscuitier et blé de force. La famille Lebeau s’est aussi engagée dans les blés de filière, non contractualisés. Cette année, ils cultivent 10 ha de blé biscuitier pour LU. Le cahier des charges, formalisé par la charte LU’Harmony ? Aucun apport d’azote après le redressement des épis et l’obligation de semer un couvert mellifère sur 3 % de la surface cultivée. En contrepartie, les producteurs bénéficient d’une prime de 12 €/t. Le but est de ne pas dépasser 10 % de protéines. Tout l’inverse du blé de force, cultivé sur 13 ha, qui doit dépasser les 14 %. Avec à la clé une prime de 40 €/t.

« En général, les gens pensent que les céréales doivent boucher le trou des autres productions. » En 2016, ça n’a pas été le cas. Comme beaucoup, Aurélien a pris « une taule monumentale», avec des rendements de 40 à 60 qx/ha en blé. Bien loin du potentiel de 75 à 90, voire 100 qx/ha dans certaines par- celles. En lait aussi, 2016 était catastrophique. Hélas, 2017 « démarre très mal». En janvier, leur lait, livré à la coopérative Agrial, a été payé 315 €/1000 l (prix de base), mais est orienté à la baisse pour les mois suivants. « Nous ne faisons pas partie de ceux qui sont à plaindre. Mais il faut que 2017 soit une bonne année, car on ne pourra pas supporter une nouvelle année comme 2016.»


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