Quelle Europe agricole après le Brexit ?

Le départ du Royaume-Uni menace le budget européen et avec lui, celui de la future Pac. L’archipel est aussi un débouché important pour les exportations, notamment françaises.

Un an après le vote des Britanniques en faveur du Brexit, le 23 juin 2016, l’Europe ne sait toujours pas où elle va. Et les agriculteurs encore moins. Les négociations entre le Royaume-Uni (RU) et l’Union européenne ont officiellement commencé le 22 mai 2017. Des tractations en deux temps, qui porteront d’abord sur les modalités du retrait britannique, avant de dessiner le cadre des nouvelles relations entre les divorcés. Le 20 juillet 2017 s’est achevé le deuxième round de discussions. Un démarrage laborieux pour un chantier titanesque, tandis qu’outre-Manche règne une cacophonie politique absolue. Le 8 juin, la Première ministre a perdu la majorité absolue au Parlement et, avec elle, ses espoirs d’imposer un « hard Brexit ». Le gouverne-ment May a fini par reconnaître qu’il règlera sa dette à l’UE : environ 60 Mds€ (d’après les calculs officieux de l’équipe du négociateur de l’UE, Michel Barnier) qui correspondent aux contributions britanniques pro-mises au budget européen.

« Risque budgétaire aggravé par le Brexit ».

Le calendrier est très serré et les négociations doivent aboutir avant mars 2019, date de l’application officielle du Brexit. Après quoi, un autre problème budgétaire se posera : le départ des Britanniques privera le budget européen de 10 Mds€ par an. Car malgré le rabais obtenu dans les années 80, Londres reste contributeur net. Première victime potentielle : le budget de la Pac 2020. Sachant qu’elle avait été préservée lors de la précédente programmation (2007-2013), l’enveloppe agricole est sur la sellette. « La future réforme pourrait se traduire par une baisse massive de crédits.

Ce risque budgétaire a été aggravé par le Brexit », alerte un rapport d’information du Sénat intitulé Pac : traverser le cap dangereux de 2020. Pour passer le cap, Bruxelles n’a que deux solutions : rogner sur les dépenses ou trouver de nouvelles recettes. Ce qui fait dire aux sénateurs que « la perspective d’une forte réduction des paiements directs avant même 2020 n’est (…) pas du tout infondée ».

Autre chantier d’envergure : le cadre des futures relations commerciales entre Londres et Bruxelles. Avec 10 % des exportations, « le Royaume-Uni est la troisième plus importante destination agroalimentaire française », souligne FranceAgriMer. L’organisme public a entre-pris une analyse des enjeux pour toutes les filières. La France a des positions à défendre, car « le solde agroalimentaire de nos échanges avec le Royaume-Uni est structurellement excédentaire ». En 2015, il a atteint 3 Mds€, tiré par les exportations de vin, de céréales et produits transformés et de produits laitiers. Seuls les secteurs ovins et des produits de la mer présentent des soldes en défaveur de l’Hexagone.

Tarifs douaniers, contingents et effet domino. Le futur accord de libre-échange portera notamment sur l’établissement ou non de droits de douane. Des barrières tarifaires pourraient « entraîner une déstabilisation du marché européen avec le report de livraisons intra-européennes jusque-là destinées au Royaume-Uni », prévient FranceA-griMer. L’établissement recommande aussi une « vigilance particulière » sur la future répartition des contingents d’importation issus des accords de libre-échange déjà en vigueur. Des volumes loin d’être négligeables. Par exemple, il s’agit de 881 000 t pour la filière volaille (44 contingents), d’1,6 Mt de sucre (18 contingents), d’au moins 75 000 t de viande de porc dans le cadre du Ceta. S’y ajoutent 65 contingents pour les grains et produits issus de leur transformation, 38 pour le secteur laitier, 10 pour le bioéthanol… En plus de ces redoutables effets dominos, le futur visage de la ferme Europe dépendra aussi de la politique agricole que mènera le RU. L’objectif du gouvernement ? « Produire plus, vendre plus, exporter plus et laisser à la génération prochaine un meilleur état environne-mental. » Les agriculteurs britanniques reçoivent actuellement 4 Mds€ d’aides européennes. Une enveloppe garantie par leur gouvernement jusqu’en 2020. Après quoi, eux aussi sauteront dans l’inconnu.


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