Guillaume GAROT répond aux questions de JA mag sur le gaspillage alimentaire

photo guillaume garotPrésident de l’atelier des États généraux de l’alimentation sur la lutte contre le gaspillage,  Guillaume GAROT détaille au « JA mag »  les conclusions de ce groupe.  Le député de la Mayenne et ancien secrétaire d’État  à l’Agroalimentaire est aussi à l’origine de la loi contre  le gaspillage alimentaire.

Quel premier bilan tirez-vous de la loi sur le gaspillage alimentaire ? La loi que j’ai portée il y a un an et demi n’était qu’une première étape dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Nous ne sommes pas au bout du combat. La loi avait pour dessein d’établir une hiérarchie des actions à mener pour éviter de produire du gaspillage, pour encourager le don alimentaire, pour favoriser la transformation des invendus pour l’alimentation animale et pour valoriser les déchets en énergie par la méthanisation ou le compostage. C’est une économie circulaire et un déchet a une valeur. Mais la première chose que nous devons éviter est de créer du gaspillage. La loi met aussi les grandes surfaces face à leurs responsabilités dans le cadre du don alimentaire. Nous avons rendu obligatoire le don alimentaire auprès des associations de solidarité en signifiant qu’il était interdit de jeter de la nourriture consommable. C’était une révolution. Toutes les images que nous avions des grandes surfaces jetant de l’eau de javel dans leurs poubelles, et bien, ce n’est plus possible ni admissible aujourd’hui ! Les premiers effets de cette loi sont mesurés par les associations de dons. Un an après la promulgation de cette loi, les banques alimentaires ont enregistré une augmentation des dons de 10 à 15% selon les sites. C’est un résultat encourageant. Il faut maintenant évaluer plus précisément les effets, tout en veillant d’abord à ce que la loi soit bien appliquée. Des sanctions sont prévues, toute infraction constatée est soumise à une amende de 3 750 €. Mais les grandes surfaces ont toutes les raisons de donner. Je tiens à rappeler qu’elles ont une incitation fiscale pour le faire, une déduction au titre du don alimentaire, qui est la même qui existe pour les jeunes agriculteurs.

Vous avez été nommé pour diriger l’atelier 10. Avez-vous postulé pour ce poste ? Non, le gouvernement me l’a proposé et j’ai accepté avec grand plaisir, car c’est un sujet qui me passionne et pour lequel j’ai volontiers donné du temps dans le cadre de mon engagement politique. Pendant un mois et demi, avec la participation de 60 acteurs du milieu associatif, nous avons travaillé à dresser les contours de la nouvelle étape de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Chacun des participants à l’atelier est très impliqué contre le gaspillage alimentaire, la difficulté a été de devoir exclure des candidats par faute de place, mais qui ont tout de même pu participer autrement par des contributions écrites. Je n’ai fermé aucune porte afin que les débats soient les plus constructifs possible. Nous avions la volonté d’avancer. C’est notre carburant.

Quels enjeux avez-vous identifiés ? Nous avons identifié plusieurs enjeux majeurs. Il faut d’abord travailler à impliquer les territoires en créant un cadre réglementaire local. Il faut donner le moyen d’agir aux associations et permettre une logistique plus simple. Pour cela, nous devons lever les freins réglementaires et psychologiques. Il faut aussi réformer la fiscalité grâce au soutien de l’État. Nous souhaitons également une formation des professionnels du secteur à la lutte contre le gaspillage, ainsi que des certifications. Nous pouvons l’imaginer pour certains restaurateurs qui ont des bonnes pratiques. Les consommateurs sont à la recherche de transparence. Ils veulent connaître l’origine des produits qu’ils mangent. Pourquoi ne serait-ce pas la même chose avec le gaspillage ? C’est un marché porteur auprès des nouveaux “consomm’acteurs”. Dernière recommandation : l’éducation. L’Ademe a réalisé une très bonne publicité à destination des jeunes, mais il faut aller plus loin. Je souhaite que la sensibilisation au gaspillage alimentaire soit enseignée dans le programme scolaire dès le primaire ou au secondaire. C’est un choix de société que le gouvernement doit faire.

Comment peut-on renforcer la communication auprès des consommateurs ? L’éducation des consommateurs se fait d’abord par l’intermédiaire des campagnes de sensibilisation dans les médias. La pédagogie passe obligatoirement par la répétition. Il faut ensuite mieux informer les consommateurs. En particulier sur les dates limites de consommation, aussi bien pour les produits frais que pour les produits secs. Les Français ne s’y retrouvent pas entre la Date limite de consommation (DLC) ou la Date de durée minimale (DDM). Cela crée beaucoup de confusion pour les consommateurs. Il y a des repères à donner et il faut que les pouvoirs publics soient plus clairs dans leurs messages. D’où cette réflexion sur les dates et sur les mentions. Par exemple, on peut lire sur les étiquettes « À consommer de préférence avant le : ». Ce n’est pas facile à comprendre. Les Anglais ont simplifié le débat en mettant : « best before » (meilleur avant) sur leurs produits. Cette mention permet aux consommateurs de ne pas avoir peur de manger le produit et surtout d’éviter de le jeter. Nous devons nous aussi faire cet effort.

Comment les agriculteurs peuvent-ils participer à cette lutte contre le gaspillage ? Solaal est au cœur du lien entre les acteurs du secteur agricole et du secteur agroalimentaire. Elle permet aux agriculteurs de donner à l’association tout en récupérant un avoir fiscal. Mais le cœur de la lutte est la formation. Je souhaite que les agriculteurs soient formés dès le lycée. Il faut favoriser l’éducation et la formation. Un tiers de la production mondiale est jeté. Le gaspillage alimentaire est un enjeu majeur dans l’optique de nourrir 9 milliards d’habitants sur Terre en 2050. Il faut qu’il y ait moins de pertes alimentaires et, pour cela, il faut créer un cahier des charges ensemble. Je ne suis pas un spécialiste en matière de formation. Je pense que la société est prête à bouger et les jeunes agriculteurs sont dans le même cas.


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