Le houblon d’Alsace renaît de ses cendres

Le houblon d ’Alsace Bas-Rhin renaît de ses cendres  « Mon père m’a toujours dit qu’avec le houblon, il y a des hauts et des bas. Il faut avoir les reins solides et être patient. » Établi sur la ferme familiale à Ohlungen, dans le Bas-Rhin, Guillaume Fuchs cultive 20 ha de houblon. Une production ancrée en Alsace depuis 1808. « Je suis fier de continuer cette culture qui représente notre territoire », glisse Guillaume. L’EARL Fuchs produit aussi du lait, des volailles et 70 ha de blé et de maïs. Mais à lui seul, l’atelier houblon représente 60 % du chiffre d’affaires.

« J’ai livré 42 tonnes en 2018 », dit Guillaume. Un rendement dans la moyenne, mais inattendu vu la sécheresse estivale. Dans les houblonnières réparties sur cinq parcelles, il cultive neuf variétés du précieux cône pour la coopérative historique Cophoudal. « Ça fait trois ans que [la filière] marche bien, depuis l’essor des microbrasseries, explique le jeune trentenaire. Elles utilisent trois fois plus de houblon par hectolitre de bière qu’un brasseur traditionnel ! »

Une filière en sortie de crise. Pourtant, il y a dix ans, la filière houblon d’Alsace était pratiquement exsangue. En 2008, Cophoudal a perdu son principal client, le géant américain Anheuser Busch, après la fusion de l’industriel avec le groupe InBev. En l’espace de cinq ans, la surface des coopérateurs a diminué de moitié, passant à 380 ha en 2013. « C’était la chute libre », se souvient Guillaume. À l’instar d’autres producteurs, les Fuchs envisagent d’arrêter le houblon pour se consacrer exclusivement à l’élevage laitier. Finalement, ils décident de perpétuer la tradition « sur une surface réduite, tombée à 8 ha en 2010, tout en maintenant la qualité. » Cette même année, en 2010, Cophoudal fusionne avec la coopérative céréalière locale, Comptoir agricole. Un rapprochement qui permet de mutualiser les ressources pour repenser la stratégie commerciale. « Aujourd’hui, nous avons deux responsables commerciaux et une personne chargée du site web », reprend le jeune houblonnier.

En parallèle, le groupe coopératif continue le travail de recherche initié avec Anheuser Busch. « On a développé une dizaine de nouvelles variétés », indique Guillaume. Des houblons aromatiques, fidèles au terroir alsacien. Le premier-né, Aramis, est une variante citronnée du Strisselspalt, lancée en 2009. Puis la gamme s’est élargie avec le Triskel (en 2011), le Barbe Rouge (en 2014) et le Mistral (en 2016). Appréciées pour leurs notes de fruits blancs, de fruits rouges et de fruits tropicaux, ces variétés essaient de consolider leur place sur le marché. « Nous avons un répertoire de 1 500 clients », reprécise Guillaume. Parmi eux « Kronenbourg, les brasseries locales Meteor et Licorne, des microbrasseries et des clients aux États-Unis, au Japon et en Australie. » La coopérative réalise en effet 70 % de son chiffre d’affaires à l’export.
Une culture gourmande en temps et en surveillance. « Le houblon nous a sortis de la mouise, affirme Guillaume. C’est grâce à lui qu’on peut maintenir les autres ateliers. » À son installation en 2011, il a construit un poulailler de 1500 m2. « Je suis en intégration, explique-t-il. L’idée était de faire 5,7 bandes par an. De quoi me sortir un salaire. »
Le projet, mené de concert avec l’abattoir local, table sur une croissance de 3 % par an. L’abattoir « pensait que certains producteurs en Lorraine allaient arrêter [les poulets], car leurs bâtiments étaient anciens. (…) Mais ces bâtiments ont duré plus longtemps que prévu », résume le jeune agriculteur.
« Nous, on n’a jamais pu dépasser les 5 bandes. » Côté lait, la situation s’est dégradée. « Il y a trois, quatre ans, nous avions de très bons contrats », assure le jeune éleveur de 50 prim’holstein. Sa production laitière sert à faire des yaourts et des fromages blancs. « Il y a deux ans, la laiterie a eu un problème sanitaire. Elle a perdu des marchés », explique Guillaume. « Aujourd’hui, le prix du lait est descendu à 310 €/1 000 l. » Malgré cela, la famille Fuchs a investi dans un robot de traite en février 2018. Du matériel reconditionné qui leur permet d’être encore plus présents dans les champs de houblon. « C’est une culture gourmande en temps et en surveillance, dit Guillaume, en précisant qu’il faut compter 4 à 500 h de travail par hectare. « Il faut être aux petits soins. » Un savoir-faire et une passion qu’il espère étendre à 4 ha supplémentaires d’ici 2021.


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