Mikas entretient la flamme avec ses briquettes de paille

En Lituanie, Mikas Pačekajus transforme la paille de colza en briquettes de chauffage et cherche à alléger le travail.

Deux énormes silos rouillés se dressent à l’entrée de Gegužinė. Dans ce village situé à 150 km au nord de Vilnius, les vestiges de l’ère soviétique tiennent encore debout. Plus loin, deux réservoirs à grain presque flambants neufs côtoient quatre entrepôts vieillissants. «Mon père était économiste pour le kolkhoze, raconte Mikas Pačekajus, jeune agriculteur lituanien de 34 ans. Il a créé la ferme en 1991, juste après la chute de l’URSS. À l’époque, il avait 8 ha de grandes cultures.» Aujourd’hui, l’exploitation familiale s’étend sur 800 ha, dont 200 en bio. À la mort de son père il y a quatre ans, Mikas a repris les rênes de la ferme. Il supervise le travail et la commercialisation. Son frère Lukas, 27 ans, gère la partie technique. Et sa mère, Ramutė, tient les finances. Aidés de quatre salariés et quatre saisonniers, ils produisent du colza sur 150ha, ainsi que du blé, du sarrasin, de l’orge de brasserie, de l’avoine, des pois et des haricots secs.

«En 2010, nous nous sommes lancés dans la fabrication de briquettes de chauffage pour valoriser notre paille», lance Mikas. Les deux frères ont commencé par utiliser leur paille de blé et de seigle, disponible en quantité. Mais « les briquettes se tenaient mal et généraient beaucoup de cendres. » Ils ont incorporé de la sciure de bois, achetée à l’usine voisine. « Le produit était bon, mais pas viable économiquement», continue Mikas. Puis ils se sont tournés vers le colza dont la paille, humide, est plus contraignante à utiliser.

« Personne ne s’en sert (…) car il faut la laisser sécher en plein champ pendant une semaine, en pleine période de récolte.» Mais l’essai s’est avéré gagnant. « La paille de colza brûle très bien, affirme le jeune exploitant. Elle a un pouvoir calorifique de 4000 kcal/kg et ne produit que 4 % de cendres.»

 Une production d’hiver. Avec une production de 100 à 200 t de briquettes par an, l’activité est enfin rentable. « Pendant les quatre premières années, on perdait de l’argent», raconte Mikas en précisant que la fabrication se déroule de septembre à février. « Aujourd’hui, on fait une marge commerciale de 25 € par tonne de briquettes, vendues à 150 €/t. » « Ce n’est pas beaucoup, mais ça contribue à payer les salariés pendant l’hiver », complète Lukas. En 2011, convaincus du potentiel des briquettes, « faciles à stocker », et vu placer jusqu’à la ferme. «On s’est dit qu’on pourrait proposer un service de livraison à domicile, jusqu’au pied du poêle», continue Mikas. Désormais, ils comptent une cinquantaine de clients réguliers à 40 km à la ronde : « Surtout des personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer». Pour lancer cette activité, la famille Pačekajus a investi 260000€ dans une ligne de déchiquetage, un moulin, une presse, un tracteur et un télescopique. «Ça a été financé à 65% grâce à des subventions européennes perçues entre 2009 et 2012», dit le jeune exploitant, qui reconnaît avoir saisi l’opportunité au bon moment. «Aujourd’hui, on ne pourrait plus prétendre à ces aides.» Il prévoit de faire de nouveau appel à l’UE pour financer son prochain projet: un moulin à sarrasin à 15000€. «En Lituanie, on mange le sarrasin sous forme de porridge au petit-déjeuner», explique Mikas. «L’idée, c’est de broyer notre sarrasin et de le mettre dans des petits sacs qu’on vendrait aux clients qui nous achètent des briquettes.»

Le jeune agriculteur aimerait aussi acquérir trois silos supplémentaires de 500 t pour améliorer les conditions de stockage des 2000t de grains et céréales produites sur l’exploitation. Une production vendue pour moitié en direct à des négociants. Le reste est écoulé via une coopérative de 25 céréaliculteurs, créée il y a trois ans. «À nous tous, nous avons 10000ha de cultures, indique Mikas. C’est encore le début de notre coopérative et c’est compliqué de payer tous les producteurs au même prix.»

Des charges à la hausse depuis l’euro. La ferme semble bien portante. Lukas, passionné de mécanique, montre l’énorme tracteur à pneus jumelés qui trône dans la cour verglacée. « C’est celui que j’utilise pour les semis», dit-il avec fierté. Pourtant, Mikas assure que vivre de l’agriculture est devenu plus difficile depuis que son pays a adopté l’euro, en 2015 : « Avant, 800 €, c’était considéré un très bon salaire. Aujourd’hui, c’est 1500€. Sauf que le prix du grain est resté le même.» Pareil pour la location de terres agricoles. «Avant, louer 1ha coûtait 60 à 80€.  Aujourd’hui, il faut compter 100 à 200€.»

Alors, les frères Pačekajus se sont donnés pour objectif d’alléger le travail. «On veut réduire notre consommation de diesel (…) et passer de quatre à deux salariés », précise Mikas. Pour cela, les deux frères testeront le semis direct sur 150 ha de blé, d’orge et de pois, à l’automne prochain. «On verra le résultat dans quatre ans et on décidera si on fait la transition» sur le reste de l’exploitation. D’ici une dizaine d’années, ils aimeraient aussi remembrer leur parcellaire, extrême- ment morcelé dans un rayon de 7 km. «On échangera des parcelles, on rachètera… On fera le nécessaire, commence Mikas. Mais on ne s’agrandira pas. En surface, nous avons ce qu’il faut !»

 


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