Naomi veut relancer le cacao

naomi martinoÀ 31 ans, Naomi Martino compte parmi les 50 meilleurs chocolatiers du monde. Elle s’est lancé un défi : produire son propre cacao et relancer la filière en Guadeloupe.

 

Savoureuse histoire que celle de Naomi Martino ! Ce n’est pas seulement celle d’une jeune Guadeloupéenne qui compte à 31 ans parmi les 50 meilleurs chocolatiers du monde. Ni même celle de la première Caribéenne à être nommée Espoir de l’année au Salon du chocolat en 2013. Non, en réalité, c’est surtout l’histoire du cacao de Guadeloupe, que cette passionnée veut relancer.

Rien ne la disposait à devenir ambassadrice du cacao made in France… si ce n’est sa passion pour le chocolat. Après des études de chimie, Naomi part à Paris en 2007 pour suivre un BTS transport logistique. Dans un coin de sa tête trotte une envie de monter une entreprise, sans savoir encore quoi. En plus de ses études, elle suit des cours de chocolaterie avec plusieurs Meilleurs ouvriers de France (Mof). L’un d’eux remarque son talent et lui enseigne le métier pendant un an et demi. « Je trouvais des bons chocolats à Paris » explique-t-elle. « Mais je ne retrouvais pas le vrai goût des fruits exotiques que je connaissais en Guadeloupe, comme la goyave ou le fruit de la passion. J’ai donc commencé à monter mon projet autour des fruits et plantes aromatiques de mon île. » Une démarche qui la mènera jusqu’au cacao lui-même.

Maîtriser l’approvisionnement. « En France, nous produisons des cabosses de cacao, c’est inadmissible d’importer du chocolat !» Pour ses chocolats haut de gamme, Naomi estime nécessaire de « maîtriser son approvisionnement.» Le meilleur moyen de s’assurer la qualité de sa matière première et d’éviter les ruptures d’approvisionnement. Comme elle, une nouvelle génération de chocolatiers a fait le choix du bean to bar (de la fève à la tablette). Au lieu d’acheter du chocolat de couverture, ces artisans sélectionnent leurs fèves et les transforment eux-mêmes.

Après avoir «beaucoup échangé avec les anciens», Naomi travaille directement avec cinq producteurs guadeloupéens qui suivent son cahier des charges. Ces cacaoculteurs se sont engagés à produire en quasi bio (sans intrants), à entretenir leurs arbres et à l’approvisionner le plus régulièrement possible. La récolte de cacao est très dépendante des caprices du temps. Les bonnes années, la Guadeloupe produit 700 à 750kg de fèves. Mais pas en 2015 et 2016, deux années de sécheresse.

Exigence de qualité. Naomi vient elle-même récupérer les fèves de cacao, parfois directement dans les arbres. Mais elle veut aller plus loin et produire sa propre matière première. La jeune passionnée cherche 4 à 5 ha de terres pour y planter des cacaoyers, qui produiront au bout de cinq ans. Tout juste diplômée du BPREA, elle espère s’installer cette année. En parallèle, Naomi porte un projet de relance de la filière cacao dans l’île. Pour se consacrer à plein temps à ce chantier ambitieux, elle a dû fermer sa boutique fin 2016. Son but ? « Faire reconnaître la Guadeloupe comme producteur de cacao.»

Car l’île était « le premier producteur mondial de cacao jusque dans les années 1700 ». Avant que la maladie du balai de sorcière ne décime les arbres, poussant les agriculteurs à se tourner vers le café et la banane, puis la canne à sucre. Aujourd’hui, la Guadeloupe compte une vingtaine de producteurs, dont une quinzaine se disent prêts à suivre le cahier des charges de Naomi Martino. Son plan de relance passe par une exigence de qualité, et le surplus de rémunération qui va avec. « Le but est que les agriculteurs vivent de cette production», insiste-t-elle.

Un travail de fourmi. «Le cacao est une culture patrimoniale, on retrouve des arbres chez des agriculteurs ou des particuliers.» Mais pas de production organisée. La première étape consiste donc à recenser, cartographier et valoriser les plantations existantes. Un travail de fourmi que Naomi mène cette année avec l’aide de JA Guadeloupe. C’est seulement après cet état des lieux qu’un plan de replantation pourra être envisagé. Un partenariat avec le Cirad est aussi dans les tuyaux afin d’étudier la génétique du cacaoyer guadeloupéen. L’île compte trois variétés (trinitario, criollo et forastero) qui offrent une large palette d’assemblages aux chocolatiers. Autre atout du cacao made in France: avec deux récoltes de sécheresse par an, il est possible de trouver des fèves presque toute l’année.

Avant de démarrer sa production, Naomi devra surmonter d’autres obstacles. Outre la difficulté à trouver des terres, elle subit, comme une quarantaine d’autres futurs installés, le blocage des fonds européens. Certains attendent leur Dotation jeune agriculteur (DJA) depuis plus de deux ans. Une situation qui se répercute sur les projets, le foncier, la famille… « Ce sont des projets de vie qui partent en fumée», alerte Naomi. Également administratrice de JA Outre-mer, elle espère un déblocage rapide. Alors seulement, le cacao de Guadeloupe pourra entamer sa renaissance.


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