Délégué commercial agriculture, produits alimentaires et produits de la pêche à l’ambassade du Canada, Yannick DHEILLY explique au « JA mag » comment sont gérés les risques agricoles dans son pays.
Quelle place le Canada accorde-t-il à la gestion des risques dans sa politique agricole (budget, année d’entrée en vigueur du dispositif) ? Au Canada, il n’existe pas de DPU, de paiements par animal ou de prix d’intervention. Les productions végétales, le porc, le bœuf sont soumis aux cours mondiaux. La filière laitière, les volailles de chair, les œufs et la dinde sont soumis à quota de production. Les quotas laitiers sont cessibles (24000 C$/kilo de matière grasse (16 913 €)). L’assurance récolte, Agri-protection est née dans les années 60. À l’époque, il s’agissait surtout de se couvrir en cas de grêle et de sécheresse. Elle couvre 80 % des surfaces cultivées (32 M ha) pour un coût budgétaire de 1,08 Md C$ (700 M€) sur un total de primes d’environ 1,79 Md C$ (1,2 Md €). La prime s’élève en moyenne à 56 C$ (39 €) dont 33,50 C$ (24 €) à la charge de l’État (fédéral et province). Seules 20% des surfaces fourragères sont assurées. Agri-stabilité, l’assurance marge est née en 2007. Elle a pris le relai du programme canadien de stabilisation du revenu agricole. Agri-stabilité intervient en cas de baisse des prix ou d’augmentation des coûts de production qui entraînent une forte diminution des marges. La marge historique, appelée marge de référence, correspond à la moyenne des marges de production des cinq dernières années, à l’exclusion de la plus élevée et de la plus basse.
Ces assurances composent la principale dépense budgétaire du ministère fédéral, ainsi que des ministères provinciaux (co-financement). L’ensemble des programmes de gestion des risques de l’entreprise est couvert par un budget annuel fédéral de 1,3 Md C$ (916 M€). La contribution correspondante des provinces est environ de 870 M C$ (613 M €).
Quels risques sont couverts ? Agri-protection couvre les risques climatiques et sanitaires (intempéries, organismes nuisibles, maladies). Les fruits, les légumes et cultures spécialisées n’ont pas accès à cette assurance. Agri-stabilité couvre les baisses de plus de 30 % du revenu par rapport à la moyenne olympique engendrées par les risques de production (météo, ravageurs, maladies), les risques de marché (intrants et prix des récoltes) et les risques de l’entreprise (gestion, réglementation, conditions, d’emploi de la main-d’œuvre, taux d’intérêt, évolution des politiques et programmes, des taux d’imposition et des accords internationaux). Ce filet de sécurité peut permettre la survie de l’entreprise à un moment difficile. Ce sont les élevages en bovin viande et porcins qui connaissent la plus grande variabilité de revenus. 51 % des agriculteurs participent à ce programme, soit 95 086 producteurs. Un producteur peut toucher au maximum 3 M C$ (2,1 M€). Les droits sont calculés au taux de 3,15 C$ (2,22 €) par tranche de 1 000 C$ (704 €) de la marge de référence protégée du producteur. Les producteurs sont facturés 55 C$ (39 €) au titre de leur part annuelle des frais administratifs, auquel s’ajoutent au minimum 45 C$ (32 €) de cotisations. Le coût budgétaire d’Agri-stabilité est de 277 M C$ (195 M€) au plan fédéral auquel s’ajoutent les contributions provinciales (environ 185 M C$ soit 130 M€).
Quels sont les instruments de gestion des risques mis en œuvre ? Pouvez-vous nous les détailler ? Ils sont regroupés sous la notion de gestion des risques de l’entreprise (GRE) dont les deux programmes principaux sont Agri-protection et Agri-stabilité. D’autres outils complètent le dispositif : Agri-investissement, qui couvre les petites diminutions de marge bénéficiaire grâce à un système d’épargne producteur-gouvernement autogéré qui permet aux agriculteurs de mettre des fonds de côté pour faire face à de légères baisses de revenu ou pour faire des investissements qui atténuent les risques sur les exploitations. La limite des contributions de contrepartie du gouvernement est fixée à 15 000 C$ (10 500 €) par année (1 % des ventes nettes admissibles). Agri-relance aide les agriculteurs à redémarrer leur exploitation après une catastrophe. Le programme de paiements anticipés est un programme complémentaire fédéral qui aide les cultivateurs et les éleveurs à gérer leur trésorerie en leur apportant des liquidités et en leur offrant plus de flexibilité pour la commercialisation de leurs produits.
Y a-t-il des risques dont les agriculteurs assurent eux-mêmes la gestion ? Oui, le risque prix.
Le Canada se compose de provinces, comment s’articule les aides de l’État et des provinces ? Versent-elles toutes la même chose ? Il y a des accords de co-financement différents dans toutes les provinces, ce qui donne des modalités d’assurance légèrement différentes. Mais cela n’impacte pas les agriculteurs assurés. Certains programmes sont provinciaux uniquement. Ainsi, au Québec a été mis en place Agri-Québec plus, il complète Agri-stabilité et permet de couvrir la marge de référence à hauteur de 85 % au lieu des 70 % habituellement garantis par Agri-stabilité.
Les primes sont subventionnées à 60 % (60 % du budget est fédéral, 40 % provincial). À titre de comparaison, le taux de subventionnement aux États-Unis est de 71 %.
Y a-t-il des partenariats avec le secteur privé pour la gestion des risques ? L’assurance est essentiellement fournie par des sociétés d’assurance provinciales dont les capitaux sont détenus par les provinces.
Comment fonctionne l’assurance stabilisation des revenus agricoles ? Ce programme de garantie du revenu n’existe qu’au Québec. Il est très coûteux et complète Agri-stabilité. Provincial, il n’est pas financé par le fédéral. Il a pour objectif de garantir un revenu net positif. La compensation est versée par La financière agricole du Québec, lorsque le revenu annuel net est inférieur au revenu net stabilisé. Il est néanmoins lié au respect de normes environnementales (bilan de phosphore notamment). Prenons l’exemple du porc. Les porcs assurables sont les porcs destinés à l’abattage (les reproducteurs sont exclus de la garantie, les élevages intégrés ne sont pas éligibles). Un tiers de la prime provient des adhérents et deux tiers de La Financière agricole. La compensation intervient, lorsque le prix de vente est inférieur au revenu stabilisé (coût de production d’une ferme type spécialisée, incluant 90 % de la rémunération de l’exploitant-propriétaire). Les compensations versées tiennent compte des paiements octroyés via les programmes Agri-stabilité et Agri-investissement.
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