Après le SIA : un optimisme intact mais une impatience grandissante

Le Salon international de l’Agriculture a fermé ses portes il y a quelques semaines déjà. Ce fut, au lendemain des discours du Président de la République devant la jeunesse agricole à l’Élysée, l’occasion de faire passer nos messages à quelques 150 parlementaires et responsables politiques accueillis sur le stand de Jeunes Agriculteurs.

Le monde politique semble plutôt avoir entendu nos attentes : le Président de la République a fait part de promesses et d’éléments de calendrier, que ce soit sur le paiement des aides MAEC et bio, l’accompagnement des exploitations qui vont sortir de la carte des zones défavorisées, les aides à l’investissement et à la modernisation, etc. En revanche, sur les accords avec les pays du Mercosur, nous restons toujours dubitatifs quant aux moyens de contrôle pour empêcher que des produits non conformes aux standards européens et français ne franchissent les frontières. Les parlementaires rencontrés nous ont quant à eux assurés de leur soutien sur le Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

Ne nous asseyons surtout pas sur nos lauriers et gardons en tête que notre lutte syndicale pour la revalorisation et la juste transformation du métier d’agriculteur fait face à l’inertie de multiples acteurs qu’il faut convaincre ou combattre.

Initialement prévu dans la foulée des Etats généraux de l’alimentation, le projet de loi sera finalement examiné fin mai, soit 6 mois après la fin de ce rendez-vous ! Messieurs les parlementaires, gardez bien à l’esprit que ce texte doit être appliqué pour les prochaines négociations commerciales ! Les paysans sont lassés d’attendre.

N’oublions pas les acteurs économiques : les industriels, et notamment les distributeurs, qui ont fait preuve d’une mauvaise foi exemplaire lors des négociations commerciales qui se sont achevées le 1er mars 2018, mauvaise foi dénoncée par les ministres Bruno Lemaire et Stéphane Travert ainsi que la DGCCRF. Je ne compte plus le nombre d’exemples insupportables de manœuvres commises par les distributeurs : méthodes brutales dans les négociations, manipulations dans les chiffres des accords passés avec les industriels, stratégies insidieuses pour infliger des pénalités de retard… Ajoutez à cela la campagne menée tambour battant par le PDG de Leclerc contre le relèvement du seuil de revente à perte, qui lui sert à éviter de parler du vrai sujet qui fâche : les négociations commerciales particulièrement tendues, et la remise en cause par la DGCCRF de certaines pratiques du groupe, comme la délocalisation de la centrale d’achat en Belgique qui permettrait d’échapper au droit français[1].  Bien entendu, nous restons tout aussi exigeants envers les transformateurs de nos produits, qui doivent nous répercuter les hausses obtenues et nous garantir la transparence sur la construction des prix.

La souffrance des paysans est une réalité. Elle reste économique dans beaucoup de cas, y compris chez des jeunes, mais elle est aussi le résultat du regard méprisant porté sur nos métiers par certains agitateurs qui ne trouvent rien de plus utile à faire que de condamner nos pratiques sans rien en connaître ni rien en comprendre et à qui on donne beaucoup trop d’audience, dans une société qui fait pourtant de l’alimentation un enjeu majeur. Cette souffrance me rappelle combien il est impératif de recentrer le débat autour du revenu et de la place des agriculteurs.

Nous voulons, à travers le projet de loi post EGA, que l’État et les parlementaires prennent pleinement leur part dans ce combat. Plusieurs leviers présents dans le texte doivent être renforcés, comme l’instauration d’un contrat en cascade, proposé par les agriculteurs et construit autour d’indicateurs de coûts de production. Pour que ce nouveau système fonctionne, l’Observatoire de la formation des prix et des marges ne doit plus seulement être un observateur, mais un acteur en jouant le rôle de garde-fou face aux différentes parties prenantes des négociations commerciales. De plus, les acheteurs ne doivent plus pouvoir proposer de prix abusivement bas aux producteurs et être sanctionnés le cas échéant. Les organisations de producteurs commerciales doivent être encouragées, via des incitations fiscales par exemple, afin de permettre aux agriculteurs de peser davantage face aux industriels et aux distributeurs. J’espère que l’Autorité de la concurrence nous éclairera aussi bientôt sur ce point.

Voilà, parmi nos propositions, celles qui me semblent les plus essentielles à défendre. Puisqu’il semblerait que nous ne puissions pas compter sur les distributeurs pour respecter leurs engagements, j’en appelle à vous, parlementaires, pour renforcer le projet de loi et aider les agricultrices et agriculteurs de ce pays à redresser la barre de leurs comptes en banque, pour assurer pleinement le rôle qui est le leur, le nôtre : assurer une alimentation saine et durable aux consommateurs.

[1] Cf article des Echos du 31/01/2018  https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0301233723835-leclerc-dement-vouloir-contourner-la-loi-avec-sa-centrale-dachat-belge-2149756.php


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